Rempart de l'Ouest

J'avais 16 ans à l'époque. A cette époque où le monde a sombré dans la psychose. Est-ce le monde qui a réellement sombré dans la psychose, ou moi qui ait compris que le monde était dans la psychose et en ait profité pour y tomber aussi ?

Le 11 septembre 2001, j'étais comme beaucoup de personnes. A 16 ans, quand on est en première, on a appris pendant un an, durant l'année de seconde, à acquérir un pouvoir critique. Quel critique est plus facile à notre époque que celle de critiquer les Etats-Unis ? Aucune. Alors, à 16ans, on considère les Etats-Unis comme le symbole de l'impérialisme moderne, comme le pays qui ne respecte rien, ni la dignité humaine, ni les accords et pactes militaires, ni la démocratie, ni la planète. Les professeurs de lycée ont la sensation de nous donner les clefs pour comprendre ce qu'est les Etats-Unis. Pourtant, je crois n'avoir entendu sur les Etats-Unis que des choses négatives durant toute ma scolarité, de l'entrée en 6ème jusqu'en septembre 2001. Ainsi, pour moi, les Etats-Unis signifiaient basket et impérialisme.

J'avais vraiment une mauvaise image de ce pays. Comment alors ne pas se réjouir en regardant les images du 11 septembre. Je ne me suis bien sûr pas réjouis de voir des vies humaines et des familles détruites, mais de voir cet impérialisme diplomatique et économique américain touché en son coeur. Le 12 septembre au matin, je partageais évidement mon ressentiment de cela avec mes camarades. En général un même sentiment ressortait de tout ça. Un sentiment de dégoût ou de ce genre, qui n'était irrémédiablement lié qu'à la peur que cela nous arrive aussi à notre tour, à nous en France. Mais au-delà de ce dégoût, un sentiment de satisfaction ressortait, limite d'admiration, que des personnes aient pu s'attaquer ainsi à un tel empire.

Moi, ce que je me souviens surtout du 11 septembre 2001, c’est que en rentrant du lycée, j’avais eu l’immense honneur de raccompagner Lise jusque chez elle. Et ce qui me reflète encore aujourd’hui comme évènement le plus important du 11 septembre, c’est le baiser que me donna la demoiselle sur le seuil de sa porte. Ce baiser tant attendu et tant craint, que vous avez attendu pendant tant de temps. Ce baiser qui provoque tellement de frisson que vous bandez légèrement, pas d’excitation sexuelle, mais de cette boule de plaisir qui part de la tête aux pieds. Ce n’était pas mon premier baiser, mais juste la réprésentation de la satisfaction et l’accomplissement d’une époque révolue et de l’entrée dans une nouvelle air.

Le monde entra donc dans la psychose en même temps que je rentra dans ma période d’adolescence. On peut exposer que c’est tard 16 ans pour entrer dans cette âge si fragile. Je réponds que je n’avais pas encore mes 16 ans et que je ne les aurais que à la fin du mois concerné. Mais aussi que l’imaturité m’a suivi pendant longtemps, qu’à partir de l’âge de 11 ans, je suis sorti de l’enfance, et suis resté pendant cinq ans dans un monde indéterminé. En effet, l’enfance en avait marre de moi, mais l’adolescence trouvait que je n’avais pas asse dait mes preuves pour prétendre à passer dans la classe supérieure. C’est ainsi que j’avais été un radeau sur un mer sans vague durant toute la période du collège et ma première année de lycée.

Le plaisir arriva donc durant cette fameuse classe de première. Je remarquais dès le premier jour celle qui serait plus tard ma petite amie. Lise ne plaisait pas à mes amies. Il ne la trouvait pas mignonne comme il ne s’entendait pas avec elle. Il faut reconnaître que mes amies étaient des êtres bien insociables, passionnés par leur console ou simplicité d’esprit durant la majeur partie de leur temps.

Ce baiser provoqua en moi un élan physique et moral énorme. Je ne voyais plus la distance qui me séparer mon lycée de chez moi, effectuant le trajet le plus souvent possibles pour voir Lise. Elle était tout ce dont un garçon de 16 ans peut espérer, mignonne, futile, intelligente, et avec un sourire proche de l’infini. Elle était la carte de visite couleur sur papier glacé photo dont j’avais voulu pendant tant d’années.

Ce n’était pas la première fille que j’embrassais, bien entendu ; ni la seconde avec qui je fis plus qu’embrasser. Mais avec elle, c’était différent, elle occupait ma vie, mon espace et mon cœur de manière beaucoup plus cohérente.